Les ‘Backwaters’ du Kerala

Après Kochi, je me suis dirigé vers le sud jusqu’aux “Backwaters”. Il s’agit d’un vaste réseau de lagunes saumâtres, de lacs et de canaux parallèles à la côte de la mer d’Oman. Le but initial de ce système de voies navigables était le transport de marchandises et de personnes entre les villages. Ainsi que l’irrigation de vastes étendues de rizières. 

Il y a une dizaine d’années, les habitants ont eu l’idée d’attirer les touristes dans cet écosystème serein et unique, pour créer une nouvelle source de revenus. Leurs barges de riz traditionnelles, connues sous le nom de « kettuvallam » sont traditionellement construites avec des matériaux locaux. Ils attachent  des planches de bois de coco  ensemble avec des cordes de coco pour fabriquer ces plateformes flottantes, longues d’une cinquantaine de mètres. Puis ils les recouvrent de résine noire fabriquée à partir de coquilles de noix de cajou bouillies (encore un bel example de recyclage).

Je suis arrivé à quai après 90 minutes de route de Kochi. Ils ont transformé leurs ‘kettuvallam’ en  péniches meublées simple et rustique, avec une ou deux  chambres avec salle  de bains privées, un salon ouvert, une salle à manger, une kitchenette et un équipage composé d’un skipper, d’un cuisinier et d’un matelot de pont. Toute la structure supérieure est recouverte d’un toit de chaume distinct en feuilles de cocotier. Chaque chambre dispose de la climatisation, d’une douche et d’un lit double confortable. En fait, j’avais toute la péniche pour moi, avec 3 personnes pour répondre à mes besoins pour la durée du voyage. Sympa, mais un peu solitaire.

Après avoir embarqué en fin de matinée, on a brièvement navigué dans les backwaters jusqu’à ce que nous nous arrêtions pour déjeuner. Après le déjeuner, nous avons navigué jusqu’à environ 16 heures, lorsque le skipper a trouvé un endroit charmant pour s’amarrer et admirer le coucher du soleil. Suivi du diner. Comme les lumières sur le pont la nuit attirent les insectes, ils servent généralement le dîner tôt, afin de réduire l’exposition aux moustiques. La nourriture était délicieuse des plats locaux du Kerala, et copieux. 

Le lendemain matin, j’étais debout à 7 heures et on m’a servi un petit déjeuner impressionnant. Noix de coco aux œufs Bénédicte, curry avec des légumes. Et beaucoup de fruits.

J’ai ensuite lu sur le pont couvert, alors que nous repartons pour un voyage paresseux le long de canaux. Parfois, le trafic des barges devenait lourd. 

C’était dimanche. J’ai commencé à entendre des détonations soudaines sur le rivage bordé d’arbres, provoquant de grandes bouffées de fumée et faisant un tapage incroyable. Le cuisinier m’a donné une explication totalement incompréhensible de ce dont il s’agissait, avec un sourire merveilleux. Puis le skipper a mentionné quelque chose à propos d’un rituel religieux. Je n’ai jamais obetnu la fin de l’histoire. 

En milieu de matinée, le skipper, qui est assis derrière un énorme volant à l’avant de la péniche, s’est retourné vers moi et m’a demandé si j’aimais bien, vous savez…, comme il le laisse entendre avec sa main caressant son bras ? J’ai d’abord pensé, avec horreur, qu’il essayait de m’arranger une compagnie féminine. Pas du tout. Quand j’ai finalement compris qu’il faisait référence à un massage, j’ai dit oui, et l’assistant est immédiatement venu par derrière avec un document en plastique affichant tous les types de massages possibles, avec les prix d’accompagnement. Vers 4 heures, nous arrivons à un salon de massage, qui a l’air complètement incongru dans un si bel environnement. Je choisis un “massage général” avec une hôtesse à l’allure délicate. 

Je descends quelques marches, puis le long d’un couloir branlant où un jeune masseur m’attend, m’invitant dans une cabine spartiate. Il y a la’une table en bois, surélevée, recouverte d’un revêtement en plastique blanc, cloué et glissant. Pas de trou pour le visage.

Je suis alors obligé, en termes non équivoques, de me déshabiller (bye-bye modestie). Ensuite, il m’invite à m’asseoir sur un tabouret en plastique, le dos tourné. Il verse cette huile sur mes cheveux et nous voila parti pour  un massage crânien vigoureux, couplé avec quelques claques sur la tête, et au diable toute préoccupation concernant l’apparence des cheveux. 

Puis je me soulève sur la table huileuse, et il me deverse dessus un supplement d’huile. Et c’est parti pour 45 minutes. Un massage secoué et vigoureux, comme je n’en ai jamais eu de ma vie. Les mains du gars étaient insensibles, peut-être un fermier de rizières cherchant à arrondir ses fins de mois avantageusement. Sportif, énergique, tirant les doigts et les doigts de pieds comme s’ils étaient rattachés à des bandes élastiques. Ca fait un mal !

Finalement, il me dit de me détendre, couvre mes parties intimes avec une serviette pour rétablir un semblant de modestie, et m’informe que je vais maintenant avoir un massage du visage. Je ferme les yeux, pensant que le pire est passé et qu’une masseuse arrivera probablement pour le soin du visage. Cinq minutes plus tard, les yeux toujours fermés, je sens des doigts délicats tapoter de l’huile parfumée autour de mon visage, me donnant à croire que je devrais passer un moment agréable. Pas du tout. Soudain, mon visage est vigoureusement déformé dans un sens, puis en sens inverse, par les mêmes mains insensibles, comme si j’étais dans une machine à laver. Et il y va à ne pas finir. Après coup, j’essaie prudemment de me lever sans glisser sur le sol en béton, et me regarde dans le miroir. Je ressemble à un orang outan en colère, avec un visage rouge et les cheveux hérissés. Mais nous n’avons pas encore fini. Il est maintenant temps de laver la carcasse avec un seau et une écuelle. Un savonnage vigoureux des cheveux et du corps, puis de l’eau, d’abord coulé gentiment sur la tête, puis éclaboussé devant et derrière, et pour finir au jeté, avec ce qui reste d’eau dans le seau, comme sur une carcasse d’éléphant

J’essaie de recomposer ma moustache et mes cheveux, du mieux que je peux, de me sécher avec un chiffon non absorbant, de  m’habiller et, sous le regard amusé de l’équipage, je règle et remonte à bord. Je suis mortifié et en colère en meme temps. 

Nous repartons et amarrons peu de temps après pour la nuit. 

Puis dîner. La nourriture servie est si abondante que je réalise maintenant qu’en fait, elle est également destinée à l’équipage qui attend que les invités  se remplissent la panse avant de s’y mettre eux-mêmes. En plus de me faire sentir un peu mal à l’aise, car je sens que j’ai besoin de ne pas trop tarder pour qu’ils puissent manger, cela explique aussi la taille de leur estomac, si c’est ce qu’ils mangent quotidiennement. Sauf le cuisinier, qui semble faire attention. 

Le lendemain matin, nous repartons tôt pour retrouver le quai d’ou j’ai démarré. Le trafic sur les canaux est dense, car des dizaines de ces énormes barges repartent toutes dans la même direction. Cette entreprise touristique, vieille de dix ans maintenant, est devenue une source de revenus si attrayante qu’il y a maintenant beaucoup trop de ces embarcations sur l’eau. Nous avons même eu un embouteillage à une intersection. Les beaux jours pour ce type de navigation sont définitivement passés, bien que toute la région soit vraiment très pittoresque.